Je viens de me composer un nom
chinois ; eh oui, par ici, c’est comme ça que ça se passe. Laissez-moi
vous conter l’affaire. Depuis que je suis ici, j’ai dû remplir un nombre (pour
l’instant encore très raisonnable) de formalités administratives :
-carte d’immigration à
l’aéroport
-demande d’inscription à la
fac
-fiche d’identité lors de la
visite médicale
-formulaire d’ouverture de
compte en banque
-enregistrement provisoire au
bureau de police pour faciliter & accélérer le traitement de mes futurs
délits & crimes.
A chaque fois, juste en
dessous de la case « nom » il y a généralement une mystérieuse case
« nom chinois ». Jusqu’à maintenant je faisais semblant de ne pas la
remarquer, mais bon, quand on arrive comme ça dans un pays, hein, vous savez ce
que c’est : on laisse ses petites coutumes barbares au vestiaire et on fait
tout pour s’in-té-grer ! Intégriste de l’intégration intégrale quand il
s’agit de notre pays qui-accueille-toute-la-misère-du-monde, quand j’envahis un
pays étranger, je montre l’exemple. Bref, il me faut un nom chinois.
Comment procède-t-on pour se
le procurer, ce fameux nom chinois ?
Il y a une procédure automatique :
le préposé au guichet (pour moi c’était Mr Tsao) vous demande de prononcer, à
haute et intelligible voix, votre patronyme ou votre prénom (au choix) et le
préposé note phonétiquement (en choisissant des mots pas trop vexants), ce
qu’il entend : Kè lái sī duō fū. Pas
terrible : les noms chinois ont normalement deux ou trois signes, le mien
en fait cinq ! En plus il ne veut strictement rien dire. Ça n’a ni queue
ni tête.
C’est lors de ma pendaison de
crémaillère avec quelques étudiants chinois que Maggie m’a dit tout de go :
« Kè lài machin chose, là, ton nom
chinois, il est vraiment pas terrible. Tu ne veux pas en trouver un plus
sympa ? ». J’interloque : « Changer de prénom ?
comment ça ? peut-on changer l’ordre des choses, altérer les plans du Créateur,
intervenir dans l’ordre des saisons, mettre le boxon dans
l'harmonie sacrée de l’univers, maintenant ? ». « Bien sûr, qu’elle fait. Tu arrives en Chine, tu te composes un nom
chinois. C’est pas plus compliqué que ça ».
Après un audit scientifique de
mes habitudes, préférences, travers et autres perversités qu’il serait trop
long de vous détailler ici, la Société d’Attribution Volontaire des
Appellations & Patronymes Associés (SAVAPA), composée des personnes présentes, me
délivre la superbe dénomination suivante : Lee Yunlong 李云龙 (Nom de famille: Lee comme le
général sudiste, génial stratège mais infoutu de gagner une bataille, ce qui,
avouez-le, résume assez bien le cv de votre serviteur; on peut aussi parler de
Bruce Lee qui, tout comme moi, fit bien des contorsions et des miaulements pour
un piètre résultat ! Prénom : le dragon dans les nuages, ou le dragon embrumé,
enfin quelque chose dans ce genre). Admirez l’élégance de ces idéogrammes: une
véritable symphonie ! Voici comment, trente ans plus tard, je fus baptisé pour
la seconde fois.
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