Des amis chinois m’ont signalé deux articles récents plutôt surprenants et à
ce titre intéressants. Le premier a pour particularité d’être signé par un
auteur chinois, alors qu’on était habitués à ne voir publiés sur la Chine que
les avis d’experts occidentaux. Professeure associée à l’Université du
Michigan, Ang Yuenyuen décrit Le
vrai modèle chinois bien différent, évidemment, du brutal
socialo-capitalisme qu’on décrit par chez nous (même si, par certains aspects,
le capitalisme « à visage chinois » est bel et bien brutal). Surtout elle explique pourquoi ce modèle est bien plus attractif pour les pays en développement
que celui du « Consensus de Washington » prôné par le FMI et la
Banque mondiale.
Protectionnisme raisonnable au lieu d’ouverture indiscriminée
de tous les marchés, investissement de l’Etat dans les infrastructures et non
privatisation généralisée des actifs nationaux, mesures prudentes et
progressives au lieu de la « thérapie de choc », approche adaptée aux
conditions et traditions existantes plutôt qu’application en bloc d’une recette
universelle : les différences entre la recette FMI et celle de Pékin sont
connues.
On connaît également la différence de résultat des deux approches :
alors que la thérapie de choc washingtonienne se solde immanquablement par des
tensions sociales, des faillites en série et finalement des crises financières
systémiques, sans compter la plongée dans la pauvreté à durée indéterminée
d’une large portion de la population, les pays adoptant (en totalité ou en
partie) le modèle chinois surprennent le monde par leur décollage
économique : le Vietnam, en particulier, mais aussi les
« tigres » asiatiques qui, plus petits que la Chine, ont commencé avant elle à récolter les fruits de la croissance.
Le second article est signé par un certain Andre Vltchek, un
journaliste-philosophe-metteur en scène qui surprend par la diversité des sujets
qu’il traite et la profondeur de ses vues sur des pays et des situations
aussi variées que le Rwanda, la Palestine, la Russie et la Chine. Son très long
article s’intitule « Pourquoi
l’Occident déteste la Chine » et plonge aux racines d’un racisme occidental
très ancien qui évolue avec les époques sans perdre de sa virulence. Si les Occidentaux
ont longtemps hésité à considérer les Chinois comme des êtres humains, notamment
pendant la période des guerres de l’opium et jusqu’à la Seconde guerre
mondiale, ils n’ont pas renoncé depuis à haïr et à combattre leur pays, depuis
le « péril jaune » décrété dans les années 1950 jusqu’aux
soulèvements de Tiananmen en 1989 et le « mouvement des parapluies »
de 2014 à Hong Kong.
À ces étudiants qui demandent « que devons-nous faire pour que l’Occident
cesse de nous détester ? » répondons simplement :
« Rien du tout. L’Occident vous déteste parce que vous êtes vous-mêmes,
parce que vous ne suivez pas ses préceptes et ne vous soumettez pas à son
idéologie. Il vous accuse d’ingérence,
d’impérialisme, bref de tout ce dont il se rend lui-même coupable envers
vous. » Ou comme Andre : « S’il vous déteste, c’est que vous
êtes sur la bonne voie ».
A la jonction des deux,
il y a un diagnostic de l’Occident qui se dessine : avec le retour à la
multipolarité, avec l’accès des puissances émergentes à une vraie souveraineté,
l’Occident connaît l’angoisse de perdre le contrôle et surtout la peur de finir
par être à son tour dominé. Et aussi brutalement qu’il l’avait fait jusque là.
C'est une réponse à Pascal Bruckner, en un sens : le colonialisme était
bienveillant, selon toi ? On verra si tu penses toujours ça lorsque les
rôles seront inversés
.