Alors que l’on approche de la fin du premier mandat
du président Xi, la presse internationale se penche sur les résultats de
l’opération « mains propres » annoncée dès 2012 et qui a ponctué
l’actualité de ces cinq dernières années. On pourrait imaginer qu’après avoir beaucoup
dénoncé la « corruption endémique » qui règnerait en Chine, la presse
démocratique allait louer l’effort de transparence et de discipline entrepris
depuis. Ce serait compter sans le catastrophisme maladif de notre presse au
sujet de ce pays. Hebdos et quotidiens se livrent à une véritable surenchère de
titres racoleurs, depuis Le jeu dangereux
de Xi Jinping annoncé par Atlantico
jusqu’aux Effets pervers de la lutte
anticorruption en Chine du
Figaro, qui dans un autre article parle de « croisade »
anticorruption, tandis que 20 Minutes
va jusqu’à décrire « l’inquisition de Beijing » qui frapperait
les malheureux fonctionnaires chinois !
Les journaux de l’Hexagone s’inquiètent surtout pour
l’industrie française du luxe qui serait, à en croire Le Monde et Le Parisien,
la principale victime de cette campagne de nettoyage des écuries
d’Augias : La lutte contre la
corruption affecte les résultats des marques de luxe, affirme le premier,
tandis que le second renchérit presque mot pour mot : En Chine, la lutte anticorruption pénalise le marché du luxe.
Dame ! Les petits cadeaux, les montres de luxe, les sacs hors de prix qui
servaient à entretenir l’amitié des fonctionnaires ne trouveraient plus preneur
depuis que ces pratiques sont mieux encadrées par la loi. Histoire de ne pas louer
exagérément l’efficacité des mesures prises, Libération s’autorise un jeu de mots en titrant Contre la corruption, la Chine prend des
mesures de surface. À la lecture de l’article on comprend qu’il s’agit des
mesures anticorruption concernant les surfaces et l’aménagement des bureaux des
fonctionnaires, lesquels sont invités à la modestie dans l’organisation de leur
cadre de travail.
Alors finalement, efficace ou pas, cette opération « transparence
et parcimonie » ?
La majorité des gazettes s’obstine à y voir, comme Atlantico, « des objectifs moins
vertueux », une façon déguisée de se débarrasser des « réformateurs »
plutôt que des indélicats.
Systématiquement, dans la presse occidentale, on
estampille « réformateurs » ceux qui sont écartés du pouvoir, façon
d’affirmer sans trop se mouiller que le PCC fait plus la chasse à la démocratie
qu’à l’argent sale. C’est ainsi qu’on préférera, comme The Economist, le terme de « purge » à celui de lutte
anticorruption, ou qu’on affirmera tout de go comme Le Figaro que La lutte
anticorruption tourne à la purge politique. Un terme qui fait évidemment
référence, on n’est pas à une outrance historique près, à la période des procès
politiques staliniens qui ont envoyé à la mort des milliers d’opposants. Un
parallèle que l’hebdomadaire britannique revendique sans complexe :
« un peu comme à Moscou à l’hiver 1936, on ne sait pas trop qui sera la
prochaine victime » écrit l’auteur, qui poursuit « la question
étant de savoir si l’on assiste à une réelle volonté de nettoyage ou à des
vendettas politiques. »
« Derrière cette volonté affichée » de
transparence se cacherait donc « un certain nombre de règlements de
comptes » au plus haut niveau, insinue à son tour Le Monde, citant l’ONG Transparency international qui a rétrogradé,
sur des critères peu transparents, la Chine à la 100e place sur 175 en
termes de pureté des pratiques officielles. Une campagne d’esbroufe politique
donc ?
C’est en tout cas l’idée que s’en fait Le Figaro, qui affirme que « le
président Xi peine à en récolter les fruits » auprès du public qui reste, de
l’avis général de la presse occidentale, dubitatif. Quelques sources un peu
moins orientées rappellent tout de même, comme RFI, que cette lutte contre la corruption ne tombe pas du ciel mais
correspond à un souhait majeur de la population exaspérée, et des lecteurs font
remarquer sur les forums de commentaires que ces mesures frappent non seulement
« les tigres » mais aussi « les mouches », ce qui en bonne
logique n’a rien à voir avec les combats politiques au sommet de l’État.
Plusieurs journaux reprennent les chiffres de Wikipédia indiquant qu’en 2016, plus de
100 000 dossiers de corruption ont été traités, dont au moins 120 concernant
des hauts fonctionnaires. Ces nombres sont-ils l’indice d’une réelle volonté de
nettoyage ou au contraire d’une corruption généralisée ? Une chose est
sûre, le chemin reste long.
Pourquoi, se demande-t-on, la Chine ne
procède-t-elle pas comme on le fait chez nous ? La solution au problème de
la corruption, c’est tout simplement de ne plus employer ce terme grossier. Lorsqu’il
s’agit des agissements de nos MM. Cahuzac, Dassault et autres Balkany, on lui
préfère celui, beaucoup plus distingué, de « conflit d’intérêt. »
Qu’un François Fillon soit soupçonné d’avoir détourné l’argent public et on se
contentera d’envisager, avec tous les conditionnels d’usage, des « emplois
fictifs », c’est tout de suite plus classe. Finie la corruption !
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