Choquer le bourgeois, briser les
tabous, heurter les consciences trop tranquilles... appelez ça comme vous
voudrez, c’est une vocation. Dissident, c’est un job à plein temps. Être le
poil à gratter de la société : dangereux mais excitant, nécessaire dans
tous les pays.
On a besoin de se remettre en
question, aussi bien individuellement que collectivement. D’entendre des
vérités, ou des suppositions, des idées, des comparaisons, qu’on n’avait pas
envie d’entendre. Ces voix sont rares, rarissimes même. Mais chaque pays en a
quelques-unes. Des gens qui acceptent d’être détestés par le plus grand nombre
parce qu’ils ont quelque chose à dire.
Il s’agit en général d’artistes en
mal d’attention, qui décident de mettre la célébrité au-dessus de la
popularité. Souvent ils finissent par rentrer dans le star-system mais certains
continuent d’enfler la martingale jusqu’au bout. Gainsbourg, par exemple a eu
son côté rebelle avant de rentrer dans le rang. Coluche au contraire s’est
enfoncé dans l’anti-système jusqu’à sa fin tragique.
J’avoue que je n’aimais pas Ai
Weiwei. Son fonds de commerce, pensais-je, consistait à pleurnicher en Occident,
lui, richissime et mondialement célèbre, qu’on ne le laissait pas s’exprimer en
Chine, où il se déplace en jet privé, possède villas et ateliers et où il
expose ses œuvres dans toutes les salles branchées. Oui, il s’est fait prendre
en photo à poil et dans le prude bastion du communisme personne n’a voulu le
publier. Mais de là à venir sur toutes les radios et dans tous les journaux
démocratiques crier à la censure ! Oui, d’autres flash-mobs qu’il avait prévus ont été interdits et ses comptes
vérifiés par le fisc...
Il m’était d’autant plus antipathique
qu’il m’avait brouillé avec des amis. On parlait, entre franchouillards
pékinois, au Café de la Poste, des
dernières frasques censurées d’Ai Weiwei, et on s’indignait. Quand j’ai suggéré
qu’Ai Weiwei était le Dieudonné chinois, je me suis tout de suite mis tout le
monde à dos. « Comment peux-tu, comment oses-tu comparer » mes
interlocuteurs étaient, c’est le cas de dire, interloqués.
Ai Weiwei n’est-il pas le Dieudonné
de la Chine ?
Dieudonné n’est-il pas l’Ai Weiwei
français ? C’est surtout cette comparaison qui a choqué. La France est un
pays d’expression libre, c’est pas pareil, on peut pas comparer, m’a-t-on
gnagnaté, il a enfreint la loi, on doit le condamner/punir/priver de parole.
![](https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh9xGUyoq2ByA3ewBsq7v8cK-glO7LoMakqv-NyRSZ-ed__206Kcr2_QJKCl-qe_bGe-VSQUjoPPobxaHzgMQ_7vvNstUYryg3IALSP6rX1i4dr5SwXH0bZms-pkbSkAzV1BK5_Yrq7two/s1600/fuck+beijing+fuck+paris.jpg)
On l’a vu avec Manuel Valls qui,
laissant là toute la dignité de sa fonction, a publiquement éructé qu’il
faillait le « faire taire par tous les moyens » comme un camelot de
foire à propos d’un autre camelot installé trop près de son stand...
Puis tout a changé. Ai Weiwei a fait
la fameuse photo où il reprenait la pose du petit Aylan noyé. Artiste
mondialisé, il s’est dit qu’il avait un rôle de bousculeur d’idées en Europe
aussi. Pari perdu. On ne parle plus de lui depuis.
Dommage.
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