lundi 17 octobre 2016

Défendons Ai Weiwei !



Choquer le bourgeois, briser les tabous, heurter les consciences trop tranquilles... appelez ça comme vous voudrez, c’est une vocation. Dissident, c’est un job à plein temps. Être le poil à gratter de la société : dangereux mais excitant, nécessaire dans tous les pays.
On a besoin de se remettre en question, aussi bien individuellement que collectivement. D’entendre des vérités, ou des suppositions, des idées, des comparaisons, qu’on n’avait pas envie d’entendre. Ces voix sont rares, rarissimes même. Mais chaque pays en a quelques-unes. Des gens qui acceptent d’être détestés par le plus grand nombre parce qu’ils ont quelque chose à dire. 



Il s’agit en général d’artistes en mal d’attention, qui décident de mettre la célébrité au-dessus de la popularité. Souvent ils finissent par rentrer dans le star-system mais certains continuent d’enfler la martingale jusqu’au bout. Gainsbourg, par exemple a eu son côté rebelle avant de rentrer dans le rang. Coluche au contraire s’est enfoncé dans l’anti-système jusqu’à sa fin tragique.

J’avoue que je n’aimais pas Ai Weiwei. Son fonds de commerce, pensais-je, consistait à pleurnicher en Occident, lui, richissime et mondialement célèbre, qu’on ne le laissait pas s’exprimer en Chine, où il se déplace en jet privé, possède villas et ateliers et où il expose ses œuvres dans toutes les salles branchées. Oui, il s’est fait prendre en photo à poil et dans le prude bastion du communisme personne n’a voulu le publier. Mais de là à venir sur toutes les radios et dans tous les journaux démocratiques crier à la censure ! Oui, d’autres flash-mobs qu’il avait prévus ont été interdits et ses comptes vérifiés par le fisc...

Il m’était d’autant plus antipathique qu’il m’avait brouillé avec des amis. On parlait, entre franchouillards pékinois, au Café de la Poste, des dernières frasques censurées d’Ai Weiwei, et on s’indignait. Quand j’ai suggéré qu’Ai Weiwei était le Dieudonné chinois, je me suis tout de suite mis tout le monde à dos. « Comment peux-tu, comment oses-tu comparer » mes interlocuteurs étaient, c’est le cas de dire, interloqués.

Ai Weiwei n’est-il pas le Dieudonné de la Chine ?

Dieudonné n’est-il pas l’Ai Weiwei français ? C’est surtout cette comparaison qui a choqué. La France est un pays d’expression libre, c’est pas pareil, on peut pas comparer, m’a-t-on gnagnaté, il a enfreint la loi, on doit le condamner/punir/priver de parole.
La comparaison est valide, j’y tiens. Dieudo enfreint la loi française qui encadre la liberté d’expression en France, Ai Weiwei enfreint la loi chinoise (même si elle n’est pas écrite, elle s’applique et chacun la connaît) qui interdit de dire certaines choses en public. Une loi assez élastique d’ailleurs pour que les autorités politiques en jouent sur un mode subjectif, plus sévèrement à celui-ci qu’à celui-là, humoriste bien en cour. 
 
On l’a vu avec Manuel Valls qui, laissant là toute la dignité de sa fonction, a publiquement éructé qu’il faillait le « faire taire par tous les moyens » comme un camelot de foire à propos d’un autre camelot installé trop près de son stand... 

Puis tout a changé. Ai Weiwei a fait la fameuse photo où il reprenait la pose du petit Aylan noyé. Artiste mondialisé, il s’est dit qu’il avait un rôle de bousculeur d’idées en Europe aussi. Pari perdu. On ne parle plus de lui depuis. 

Dommage. 


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