vendredi 27 janvier 2017

Le pire des systèmes




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La démocratie américaine, malgré tous ses défauts, est cent fois préférable à l’horrible dictature chinoise, entend-on souvent dire comme une évidence. Est-ce vraiment si sûr ?

La couverture des élections américaines fut plus sobre dans la presse chinoise que dans les pays démocratiques. Loin de l’émotion qu’elles suscitèrent à l’Ouest, dans le monde non-aligné, c’est l’ironie contenue qui a dominé. D’accord avec nos amis d’outre-Eurasie : le cirque médiatico-électoral américain a été, cette année, de nature à dissiper les illusions démocratiques les plus solidement enracinées... D'ailleurs imaginons un instant : une telle campagne en Chine. Difficile ?


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Comme souvent en Amérique, c’était la lutte du Bien contre le Mal. L’élection 2016 fut un match de catch : sans crainte du ridicule, la presse démocratique, unanime des deux côtés de l’Atlantique, a encensé la candidate de l’establishment et traîné dans la boue le candidat désigné comme repoussoir. 
Ç'aurait été en Chine, on aurait eu droit aux « retour du culte de la personnalité », « propagande éhontée et mensongère ». Heureusement, c'était aux USA.

Ah, quelle rigolade, ces débats entre candidats se jetant des invectives à la figure, alignant les slogans simplificateurs et les demi-vérités, puis les discours agrémentés des hurlements de foules en délire, les larmes de joie et de déception, les envols de ballons et les survols de stades avec des avions à réaction... et que dire des publicités destinées à salir l’adversaire ? La démocratie est un show. Un amuse-badauds qui engloutit des milliards de dollars sans rien résoudre. On riait jaune, on avait de la peine pour nos amis américains. Imagine-t-on la même chose en Chine ? 

Les Haski, les Cabestan, les Pedroletti, chantres inflexibles de la démocratie en Chine, c'est ça qu'ils proposent ? Il est à craindre que les Chinois ne soient pas tentés...
En Chine les choses se passent différemment. Bien sûr, la presse internationale est là pour le dénoncer infatigablement, les présidents chinois sont désignés derrière les portes closes du parti communiste. Sont-ils pour autant moins légitimes ? Moins compétents ? Moins populaires ? 


A l'opposé de la télé-réalité américaine, le système politique chinois est une méritocratie : les politiciens grimpent les échelons du parti en s’affrontant dans une sorte de tournoi assez semblable à un championnat sportif. A chaque niveau, municipal, local, régional, provincial, puis national, les chefs de parti sont évalués selon une liste de 70 critères, dont la croissance du PIB, le niveau de paix sociale, les affaires de corruption, les casseroles, les qualités personnelles...

L’organisme qui se charge de cette évaluation est le Bureau central des compétences (zhongzubu 中组部) et c’est réellement l’équivalent, à l’échelle du pays, de la direction des ressources humaines dans une entreprise. C’est le zhongzubu qui pilote les carrières, conduit les évaluations, propose à untel et unetelle l’avancement ou la stagnation, voire l’élimination en cas de grosse sortie de route. Les candidats susceptibles d’entrer au Politburo, c’est à dire les présidentiables potentiels, le zhongzubu les oriente vers les postes, aux Affaires étrangères ou dans le comité de Défense, qui leur permettront de parfaire leur maîtrise de tel ou tel aspect crucial de la vie politique du pays.

L’expérience Mao Zedong n’a pas horrifié que l’Occident : depuis Deng Xiaoping tout est fait, à tous les niveaux de l’Etat, pour prévenir ce genre de culte de la personnalité. Aussi bien le parti communiste que le zhongzubu, tout est construit en comités. Vous pensez (la presse libre vous le répète jour après jour) que le président Xi est un horrible despote bardé de pouvoirs discrétionnaires ? Ses fonctions sont principalement représentatives : comme la reine d’Angleterre, il est surtout là pour recevoir les visiteurs étrangers, serrer la pince aux dignitaires régionaux, inaugurer les chrysanthèmes, annoncer les grandes orientations. Il nomme les ambassadeurs et préside le comité permanent du Politburo, où siègent six de ses collègues (premier ministre, chef du Comité de défense, etc). 

Pour prévenir toute mesure extrême ou précipitée, les décisions, en Chine, sont prises par délibération. La presse étrangère répète sans cesse le contraire, mais c’est facile de constater à quel point la politique étrangère chinoise est mesurée, prudente, respectueuse du droit international et des résolutions de l’ONU. Surtout comparée à celle du shérif global. C'est pareil en politique intérieure : à tous les niveaux, les officiels soucieux de leur carrière future marchent sur des œufs et cherchent à tout prix à éviter les remous, ménageant la chèvre du PIB et le chou de la contestation sociale. 

Lorsqu’on se donne la peine d’en examiner les mécanismes, on ne peut qu’être impressionné l’efficacité de ce système complexe de conciliation, de vote et de délibération. Il est conçu pour éliminer à l’avance tocards et ringards, détecter les traîneurs de casseroles, les corrompus en passe d’être accusés, pour ne conserver au Politburo que quelques présidentiables irréprochables. Les présidents chinois se succèdent et se ressemblent, la politique suivie se poursuit sur le long terme, la tortue chinoise avance de son train de sénateur, doublant inexorablement le fantasque lièvre américain. Pas seulement les présidents : à tous les niveaux de l'Etat, c'est ce même système de sélection sur dossier et de promotion au mérite, par délibération et vote en comités, qui s'applique. Les problèmes (corruption, écologie, pauvreté, inégalités) sont identifiés, les méthodes définies, les plans d'action arrêtés, les mesures prises et évaluées, les résultats suivis et corrigés.   

Cette évolution de l'Etat, lente mais coordonnée, ce développement économique, pas toujours très respectueux des desiderata individuels mais efficace au niveau national, c'est le résultat de la sélection et de la promotion des cadres au mérite. 

Est-il nécessaire de le préciser ? En Chine, les hurluberlus du calibre de Hillary et Donald n'ont aucune chance d'être short-listés pour les fonctions suprêmes.

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