« Pour ceux qui croient,
aucune preuve n’est nécessaire. Pour ceux qui ne croient pas, aucune preuve
n’est possible » disait l’économiste américain Stuart. Considérez le sujet
de la pratique religieuse en Chine. La presse occidentale en est convaincue, la
Chine est l’un des pays les plus intolérants en matière religieuse et un des
plus répressifs en matière de liberté de conscience. Chercher des preuves ?
À quoi bon !
On lira ainsi avec une curiosité
d’entomologiste cet article de Claire Lesegretain, dans La Croix, qui cite des passages d’un rapport chinois sur la liberté
de culte pour laisser ses lecteurs imaginer une réalité effrayante. Il faut
savoir que « la
Chine affirme », dans le jargon journalistique occidental, signifie
« la Chine ment en affirmant que ». La presse libre part du principe
que l’information en Chine se compose à 100 % d’une propagande éhontée, et
qu’il suffit par conséquent d’inverser le sens de toute déclaration officielle
pour obtenir une vérité garantie 100 % exacte. Le lecteur a si bien intégré cette
règle de « l’information-miroir » que l’auteure ne ressent même pas
le besoin d’apporter la moindre information complémentaire à son recueil de
citations. L’efficacité du procédé est surprenante : tout en lisant « le
respect et la protection de la liberté de croyance religieuse est une politique
fondamentale nationale à long terme du gouvernement chinois », on se prend
à frissonner en imaginant émeutes, insurrection religieuse et répression féroce.
Mêmes sous-entendus effrayants dans cet article de La Vie qui titre L’année noire de la persécution
religieuse ? Le magazine récapitule les griefs, pourtant véniels à
bien y regarder, formulés par des témoins bien entendu anonymes.
« Destructions de lieux de culte illégaux », « ingérence de l’État
dans les affaires internes des communautés religieuses »,
« pressions », les exemples vagues que l’on rencontre ça et là dans
l’article ne justifient pas vraiment le terme sensationnaliste de
« persécution. »
La politique religieuse de la Chine découle en
réalité d’un principe limpide : la religion est une affaire de croyance
personnelle qui ne doit pas se transformer en mouvement politique, en revendication
identitaire ou territoriale. C’est de cette laïcité pragmatique que découlent
les interventions de l’État qui ferme des églises clandestines, lutte
contre le terrorisme à prétexte religieux ou démantèle des trafics illégaux
sous couvert de religion. En revanche, et c’est facile de le constater, les
croyants sont libres de pratiquer pacifiquement leur religion. Autour des
mosquées, des églises, des temples bouddhistes, ils sont des dizaines se
masser, les jours de culte, des centaines les jours de fête religieuse. Le
commerce religieux est lui aussi autorisé, en témoignent les innombrables
boutiques ethniques qui proposent des objets de culte propres à telle ou telle
croyance. Encens, images pieuses, vêtements traditionnels, cierges, amulettes
et statues à l’image de la Vierge ou de Vishnu sont ainsi diffusés à des
millions d’exemplaires dans tout le pays, alimentant un commerce que l’on
imagine florissant. Un peu partout, des marchés et des restaurants proposent
des mets adaptés aux exigences religieuses des croyants.
L’État chinois est athée, et ce n’est pas la moindre
de ses qualités. Cet athéisme garantit à tous, selon des critères impartiaux,
le droit de croire et de pratiquer sa religion. Mieux : la Constitution chinoise
est la seule au monde à garantir également à ses citoyens le droit de ne pas
croire : jusqu’à l’âge de 18 ans, les Chinois sont protégés de toute
propagande religieuse extra-familiale. Les enfants chinois échappent ainsi au
prosélytisme agressif des religions majoritaires que l’on observe dans la
plupart des pays démocratiques. De quelle liberté religieuse se prévalent le
prêtre qui baptise ou le rabbin qui circoncit le nouveau-né inconscient des engagements
qu’on prend à sa place ? De quel droit l’Église mormone baptise-t-elle en
masse des citoyens de tous les pays et de toutes religions pour les porter
contre leur gré dans ses registres ?
Même dans les pays comme les États-Unis ou la France
où la séparation de l’Église et de l’État est gravée dans le marbre de la
Constitution, la majorité démocratique tend à exercer un favoritisme religieux
et une discrimination de fait qui attisent les rancœurs. On se rappelle la
controverse qui secoua ce pays où les élus jurent sur la Bible, lorsqu’un musulman
demanda à jurer sur le Coran. On voit, dans cet autre pays à la laïcité
sourcilleuse, la police vestimentaire verbaliser d’inoffensives porteuses de
voile. Sans compter mille vexations quotidiennes qui se produisent loin des
micros et des caméras.
Laïcité hypocrite où l’État, soi-disant séparé de la
religion, sensément respectueux de la diversité religieuse de ses citoyens,
continue de favoriser les uns au nom de la coutume et de discriminer les autres
au nom de l’ « intégration ». En France, une laïcité mesquine veut
garantir à tous le droit imprescriptible de caricaturer le prophète, alors
qu’elle punit sévèrement la moindre allusion susceptible d’être interprétée
comme antisémite.
Bien des pays gagneraient à s’inspirer de la laïcité
tranquille qui règne en Chine.
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