dimanche 4 mars 2018

Sale temps sur la Chine



C’est rare, mais ça arrive ! La Chine aussi produit parfois des mauvaises nouvelles. 

Cette fois ce n’est pas la pollution pékinoise ni un tremblement de terre au Sichuan, ce n’est pas une énième épizootie qui risque d’éventuellement déborder sur l’homme avant de muter peut-être, ce qui potentiellement pourrait s’avérer mortel... (SRAS, H1N1, grippe porcine...)
Non, ce qui fait les gros titres gourmands de la presse mondiale, c’est la réforme constitutionnelle annoncée (elle n’est pas encore passée, mais bon en Chine, lorsque c’est annoncé, c’est pratiquement acquis) qui supprime entre autres la limite des deux mandats pour le président chinois (et promeut « la pensée de Xi » au rang de celle de Deng Xiaoping, alors que bon, sans vouloir être désobligeant... le mec est sûrement assez habile et bon gestionnaire, mais enfin ce n’est pas un intello – ceux qui en doutent, lisez son bouquin, "La gouvernance de la Chine").

Si cette réforme est adoptée (encore une fois, ça semble presque sûr), c’est la fin du miracle chinois. Elle donne raison à tous les propagandistes occidentaux qui dénoncent depuis des années sans preuve le « culte de la personnalité » de M. Xi, la « dérive autoritaire » du parti communiste, etc. Pour la première fois depuis trente ans, la Chine donnerait raison à ces oiseaux de mauvais augure qui se sont relayés infatigablement pour annoncer la fin du miracle, le début du cauchemar, l'effondrement social, la crise de la dette, le collapsus industriel, la surchauffe économique, l'explosion de telle bulle ou de telle autre, etc etc etc. 

La Chine est à ce jour le seul pays communiste ayant résolu la question du renouvellement pacifique des dirigeants : deux mandats maximum, limite d’âge à 67 ans pour le premier mandat, etc. Cuba a les frères Castro, la Corée du Nord s’est transformée en monarchie héréditaire, c'était pareil dans les pays d’Europe de l’Est socialiste, en Union soviétique... La Russie, qui n’est plus communiste, a toujours ce problème du chef qui ne veut plus partir. Dans tous ces pays on a vu à l’occasion de bons dirigeants, des incorruptibles, des décidés, des compétents... Mais ils ne savent plus s’arrêter, leur entourage les pousse à rester, ils se croient indispensables, et finalement, pendant dix ans on a aux manettes un pépé mourant frappé d’Alzheimer, le pays dérive, stagne, se traîne, jusqu’à ce qu’une révolution de palais mette enfin en selle un dirigeant neuf. 

« Xi se poutinise » dénonce en chœur la presse mondiale. « C'aurait pu être pire : il aurait pu se trumpiser ! » a-t-on envie de répondre... Avec Poutine, la Russie s’accroche à son premier dirigeant compétent depuis Pierre 1er. Charisme, compétence, volonté de grandeur du pays et vision stratégique, on comprend qu'ils ne veuillent pas le lâcher, c'est trop rare ! OK, c'est vrai, dix-huit ans, c’est trop, vingt-quatre, c’est inqualifiable, mais bon : comme l’élection russe est sur le point de le prouver, il n’y a personne d’autre en Russie pour prendre sa place ! Et puis il aborde très certainement son dernier mandat. Enfin, il a sorti son pays d’une des pires crises de son histoire, une histoire où la question du renouvellement pacifique du pouvoir exécutif n’a jamais été résolue : ni par les tsars qui moururent presque tous de mort violente, ni par le parti communiste où pratiquement tous les secrétaires généraux se maintenaient jusqu’à leur dernier souffle. Si Poutine partait en 2024, à 71 ans, en bonne santé, il aurait déjà fait faire un sacré progrès à la Russie (qui devra tout de même trouver un moyen de se renouveler). 

Tout le contraire pour Xi, qui n’a, lui, aucune excuse ! La Chine est passée par la dictature unipersonnelle et le culte de la personnalité de Mao. C’est justement pour éviter la répétition de ce genre de catastrophe que le sage Deng Xiaoping a donné l'exemple en démissionnant de tous ses postes bien avant que sa santé ne se dégrade, puis gravé dans le marbre de la constitution cette limite d’âge du président/secrétaire général et le maximum de deux mandats. Il y a dans le monde bien des systèmes politiques, chacun avec ses mérites et ses problèmes, mais sous toutes les latitudes, la pire des calamités, ce sont les dirigeants à vie, ceux qui s’accrochent à leur fauteuil et, comme le trou du cul de l’histoire, bloquent tout jusqu’à ce que ça explose.

La Chine renouant avec ses démons anciens, ça serait réellement dommage et inquiétant. Tout ça pour permettre à Xi un troisième mandat à l’âge de 69 ans ? Sérieux ?

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