samedi 18 janvier 2014

La Chine en 3D


Début du voyage que vous propose Lee le sinologue de terrain : du Sud le plus torride au Nord le plus glacial, la Chine d'aujourd'hui et de demain.


Je ne sais plus qui a dit (mais c’est clairement un génie, car il nous parle depuis l’époque de l’essor du chemin de fer) « le train sera le transport du XXIème siècle, s’il survit au XXème ! ». Bien vu, et c’est en train de se réaliser.

Le vingtième siècle a pratiquement tué le train. L’avion, c’est tellement plus moderne, tellement plus prestigieux, tellement plus cool ! Pas besoin d’infrastructures longues & coûteuses à installer, on vous flanque un aéroport au milieu de la pampa, et hop ! V’là le modernisme qui arrive. Adieu les trains, le Far West, tellement convenus, tellement XIXème ! Ce n’est qu’à force de pratique que l’on a fini par s’apercevoir des défauts de l’avion. Bruyant, compliqué, fragile, il requiert une qualification fabuleuse de la part des personnels (maintenance, pilotage), et une docilité sans faille des usagers. A l’heure du terrorisme qui frappe à nos portes, c’est l’avion qui se retrouve premier visé. D’où un rituel de la sécurité qui, nécessaire à la base, se développe rapidement en usine à gaz, tutoie Ubu et explore la frontière de l’absurde, empile doublons & triplons, petites vexations inutiles, fait perdre à tous un temps précieux.

Le train (pour l’instant) c’est quand même autre chose ! 

On arrive tranquilou en métro, on embarque sereinement sans passer par la case garde à vue, sans interrogatoire serré sur le contenu de votre valise, sans palpage méticuleux des fessiers et des adducteurs, sans les interminables consignes de sécurité en trois langues (attachez vos ceintures, remontez vos tablettes, éteignez vos téléphones, remontez votre hublot, croisez les doigts, redressez vos sièges, ouvrez les yeux, les mains sur la tête / attention j’en vois un qui ne suit pas là : « Monsieur, vous voulez que l’avion y s’écrase ou quoi ? »). Y’a une prise pour recharger le portable, les sièges sont larges, ils s’inclinent bien, on a de la place pour les pieds, c’est LE PARADIS. En plus on voit du pays !

Avec un pays aussi étendu, on aurait pu croire que les Chinois feraient le pari étasunien de l’avion, contrairement aux Européens qui, beaucoup plus serrés, développent le train à grande vitesse (enfin avec quelques combats d’arrière-garde, style Notre Dame des Landes). Avec leurs gares connectées au métro au centre-ville et leurs trains très rapides, les Chinois repoussent à 2000 km la distance à partir de laquelle l’avion reprend l’avantage-temps. Ils ont raison, parce qu’avec un milliard de citoyens de plus en plus accros à la bougeotte, ce n’est pas avec le tout-avion qu’on allait s’en sortir. On croit les Etasuniens mobiles, en fait il n’y a pas plus casaniers. C’est le bout du monde s’ils prennent l’avion trois fois par an en moyenne. Et la plupart n’ont jamais mis les pieds dans un train. Ni à l’étranger. Rien de tel ici : quand commencent les migrations saisonnières, à nouvel An chinois et autour du 1er octobre, c’est quasiment tout le monde qui traverse le pays en même temps.


C’est sympa, le voyage en train. On peut manger, dormir, lire, regarder par la fenêtre, tout comme en avion, mais en mieux. Il y a quasiment une petite stewardesse par personne pour vous apporter de l’eau et veiller à ce que la courroie de votre sac ne dépasse pas du filet à bagages. Viaducs, autoroutes, kilomètres de serres, canal, parking, par la fenêtre, c’est la Chine en 3D ! Une photo du pays à 300 à l’heure. C’était saisissant : partis de Pékin à 10h10 avec une petite couche de neige grisâtre, on arrive à Guangzhou à 18h05 au milieu des palmiers, 2298 km plus au sud. La seule chose qui n’a pas changé de la journée, c’est la brume.


La Chine est un pays brumeux, malheureusement.

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