mardi 14 janvier 2014

La Chine n'est pas populaire



C’est en tout cas ce qui semble ressortir de la fameuse enquête annuelle de la BBC. La question posée aux citoyens du monde est « à votre avis, [tel pays] a une influence plutôt positive ou plutôt négative dans le monde ? ». L’enquête conduite par GlobeScan est reprise par tous les médias de la planète, et les gros titres se font sur « l’Allemagne première place » et « la Chine et l’Inde voient leur popularité s’effondrer ». Bref, encore un sondage qui nous démontre ce qu’on sait déjà. Mais cette lecture qui entretient nos certitudes occidentales nous épargne une constatation moins rassurante : le vent de la globalisation est en train de tourner.


Passons sur la méthodologie, un peu bizarre, de l’enquête : 26000 personnes sont interviewées dans 25 pays du monde, 1000 personnes environ par pays, mais 11 de ces pays (44%) sont situés en Europe et en Amérique du Nord (soit 12% de la population mondiale). 
 Volonté ou hasard ?


Les règles du jeu sont ainsi définies, admettons. Que disent les résultats ?


L’Inde et la Chine voient effectivement leur popularité (solde entre « opinions positives » et « opinions négatives ») baisser par rapport à 2012, de 6 et de 8 points respectivement… de même que le Japon, qui perd 7 points (pas de gros titres) ! On notera tout de même la bonne tenue de la Chine qui reste (avec 42% d’opinions favorables) dans le peloton de tête, à la 8ème place sur 25, juste derrière les Etats-Unis (45%).


C’est lorsqu’on regarde l’image de la Chine par pays que cela saute aux yeux : elle n’est vue négativement que dans le camp des pays industrialisés ! Les pays, USA en tête, qui voient en la Chine la plus grosse menace à leur suprématie économique (pour le Japon, on peut supposer que ça a aussi à voir avec l’histoire des petits îlots contestés). Tandis qu’elle est au contraire très bien vue dans le reste du monde (Pakistan, Nigéria, Brésil). La corrélation avec le PIB/hab est très forte : tous les pays au PIB inférieur à 20k$ ont une vision favorable de la Chine (à l’exception de la Turquie et du Mexique, qui semblent voir là un concurrent sans scrupules).



Les pays industrialisés ont poussé à la roue de la globalisation et lutté pour une ouverture généralisée des marchés (consensus de Washington et son bras armé, le FMI). Ils en ont bénéficié pendant de nombreuses années. Mais ce système a trop bien fonctionné : désormais le Nord s’appauvrit. Les pays du Sud au contraire, qui ont payé le prix fort de l’orthodoxie libérale et sont tombés dans tous les pièges tendus par le FMI (la dette à taux variables, la déréglementation, le renoncement au protectionnisme) se tournent désormais vers la Chine et son miracle économique pour y trouver des recettes de développement. Le Consensus de Washington (« thérapie économique de choc ») a vécu, c’est l’heure du Consensus de Pékin (« traverser la rivière en tâtant du pied pour trouver des appuis »).



C’est ce que le rapport d'étude cherche à cacher : non seulement la sélection de pays est fortement biaisée en faveur du monde occidental, mais en plus le poids démographique des pays est annulé (le Canada ou l’Australie pèsent autant que l’Inde ou la Chine). 

Si l’on recalcule les résultats en tenant compte du poids démographique des pays interrogés, le classement change un peu : le monde aime les petits pays riches d’histoire et à la posture internationale modeste. L’Allemagne reste parmi les favoris, mais c’est la Grande-Bretagne, la France et le Canada qui se partagent le podium. La Chine gagne elle quelques places, tandis que les USA plongent retrouver Israël et la Corée du Nord dans le fond du classement.

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