C’est en tout cas
ce qui semble ressortir de la fameuse enquête annuelle de la BBC. La question posée
aux citoyens du monde est « à votre avis, [tel pays] a une influence
plutôt positive ou plutôt négative dans le monde ? ». L’enquête conduite
par GlobeScan est reprise par tous les médias de la planète, et les gros titres
se font sur « l’Allemagne première place » et « la Chine et l’Inde
voient leur popularité s’effondrer ». Bref, encore un sondage qui nous
démontre ce qu’on sait déjà. Mais cette lecture qui entretient nos certitudes
occidentales nous épargne une constatation moins rassurante : le vent de
la globalisation est en train de tourner.
Passons sur la
méthodologie, un peu bizarre, de l’enquête : 26000 personnes sont
interviewées dans 25 pays du monde, 1000 personnes environ par pays, mais 11 de
ces pays (44%) sont situés en Europe et en Amérique du Nord (soit 12% de la
population mondiale).
Volonté ou hasard ?
Les règles du jeu
sont ainsi définies, admettons. Que disent les résultats ?
L’Inde et la
Chine voient effectivement leur popularité (solde entre « opinions
positives » et « opinions négatives ») baisser par rapport à
2012, de 6 et de 8 points respectivement… de même que le Japon, qui perd 7
points (pas de gros titres) ! On notera tout de même la bonne tenue de la Chine qui reste (avec
42% d’opinions favorables) dans le peloton de tête, à la 8ème place
sur 25, juste derrière les Etats-Unis (45%).
C’est lorsqu’on
regarde l’image de la Chine par pays que cela saute aux yeux : elle n’est
vue négativement que dans le camp des pays industrialisés ! Les pays, USA
en tête, qui voient en la Chine la plus grosse menace à leur suprématie
économique (pour le Japon, on peut supposer que ça a aussi à voir avec l’histoire
des petits îlots contestés). Tandis qu’elle est au contraire très bien vue dans
le reste du monde (Pakistan, Nigéria, Brésil). La corrélation avec le PIB/hab
est très forte : tous les pays au PIB inférieur à 20k$ ont une vision
favorable de la Chine (à l’exception de la Turquie et du Mexique, qui semblent
voir là un concurrent sans scrupules).
Les pays industrialisés
ont poussé à la roue de la globalisation et lutté pour une ouverture
généralisée des marchés (consensus de Washington et son bras armé, le FMI). Ils
en ont bénéficié pendant de nombreuses années. Mais ce système a trop bien
fonctionné : désormais le Nord s’appauvrit. Les pays du Sud au contraire,
qui ont payé le prix fort de l’orthodoxie libérale et sont tombés dans tous les
pièges tendus par le FMI (la dette à taux variables, la déréglementation, le
renoncement au protectionnisme) se tournent désormais vers la Chine et son
miracle économique pour y trouver des recettes de développement. Le Consensus
de Washington (« thérapie économique de choc ») a vécu, c’est l’heure
du Consensus de Pékin (« traverser la rivière en tâtant du pied pour
trouver des appuis »).
C’est ce que le rapport d'étude cherche à cacher : non seulement la sélection de pays est fortement biaisée en faveur du monde occidental, mais en plus le poids démographique des pays est annulé (le Canada ou l’Australie pèsent autant que l’Inde ou la Chine).
Si l’on recalcule les résultats en tenant compte du poids démographique des pays interrogés, le classement change un peu : le monde aime les petits pays riches d’histoire et à la posture internationale modeste. L’Allemagne reste parmi les favoris, mais c’est la Grande-Bretagne, la France et le Canada qui se partagent le podium. La Chine gagne elle quelques places, tandis que les USA plongent retrouver Israël et la Corée du Nord dans le fond du classement.
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