J'ai retrouvé mes notes sur le métro de Pékin. On était en 2008. Il ressemblait à ça :
« Pas étonnant que personne ne parle jamais du métro
de Pékin :
- il n’est ni grand ni petit
- ni beau comme celui de Moscou ni laid comme celui de
Paris
- ni futuriste comme à Stockholm, ni désuet comme à
Budapest
- ni rapide comme celui de Shanghaï ni particulièrement
lent
- pas horripilant comme celui de Londres (qui annonce
tous les matins à ses ‘clients’ (le terme d’usagers,
comme celui de camarades passagers,
est prohibé) sur des petits tableaux prévus spécialement quelles lignes
fonctionnent ‘normalement’ [c'est-à-dire poussivement] et sur lesquelles le
trafic est suspendu jusqu’à nouvel ordre [leur autre état ‘normal’]).
Le métro le plus banal du monde. Le regretté Robert Musil aurait pu écrire ici une brève
nouvelle intitulée « le métro sans qualités ».
Histoire
Le métro de Pékin soviétique à la base : en
septembre 53 c'est le Comité central de Moscou qui propose à Mao de l'aider. Sa priorité, après la guerre de Corée qui venait de faire rage à
quelques encablures de la capitale, est de combiner un système de transport
moderne à un renforcement des infrastructures militaires de la jeune république
Pop’. L’expérience du métro de Moscou en tant que système de protection des
civils et de déplacement rapide des troupes fait rapidement son chemin.
Les Chinois (qui construisaient alors leur premier métro)
ont largement fait appel à l’expertise des ingénieurs soviétiques et allemands
de l’Est. De 1953 à 1960, des milliers d’étudiants chinois ont été envoyés en
Russie pour étudier la métrologie. En 1960, patatras ! La détérioration des relations avec l’Urss conduit au
retrait des ingénieurs soviétiques et il faut tout recommencer. Ce n’est qu’en 1965 que Mao en personne signe le projet définitif. L’inauguration de la première ligne a lieu en 1971.
Ressenti en 2008
Mon exaspération est intacte depuis quatre mois de voir le métro de Pékin singer les plus aliénantes manies de la vieille Europe hyper-protectrice de sa population vieillissante.
La rame arrive dans un silence feutré, ralentit, ralentit
encore, vous voyez passer devant vous à vitesse 0+ε le nez de la rame, puis
défiler l’une après l’autre, à une vitesse escargrotesque™, les fenêtres de la
rame où sont pressés visages, mains, autres parties anatomiques et
vestimentaires des passagers voyageant à grande densité. Le train ne bouge plus
qu’imperceptiblement, sa vitesse 0 se prolonge pendant quelques instants
encore, avant que ne soit matérialisé & décrété (par une sonnerie à peine
audible) l’arrêt officiel en gare du moyen de transport ferroviaire. Après un
temps de recueillement permettant de garantir avec un intervalle de confiance
de 99,99% que personne ne peut matériellement être blessé ou surpris par la
manœuvre (tellement attendue) retentit une sonnerie plus forte, qui annonce
l’ouverture imminente des portières. Passagers et impétrants prennent
position : les portes coulissent avec dignité, non sans esquisser un
ralentissement en fin de course pour éviter le claquement vulgaire, font
entendre un petit soupir de satisfaction pneumatique. Mouvements de passagers
entrants / sortants. Alors que chacun a pris sa place dans la rame et que les
usagers sortants sont déjà loin, retentit la sonnerie annonçant la prochaine
fermeture des portes. Une minute de silence est observée à la mémoire
(anticipée) des victimes (potentielles) du métro de Pékin. Les portières
coulissent avec une pensive lenteur, leurs battants marquent un temps d’arrêt
avant de se toucher (histoire de permettre à tout appendice humain ou végétal
mal placé de se rétracter). Elles se touchent, d’abord sans pression, puis avec
une pression en croissance progressive, toujours dans le souhait louable
d’exclure l’éventualité d’un traumatisme. Une fois la rame remplie, bouclée,
prête au départ, il semble que le centre de Cap Canaveral procède à un ultime
compte à rebours, revérifiant le fonctionnement de tous les systèmes mis en
œuvre. Quelques interminables minutes se passent, le chef de gare signe l’ordre
de départ, le train de sénateur s’ébranle avec une majestueuse sérénité. »
Nous voilà en 2014 !Il a un peu grandi : Voilà à quoi il ressemble maintenant.
Le métro de Pékin reste le moins cher du monde : 2 yuan seulement le
trajet, soit 30 centimes d’Euro. au
rythme de deux lignes nouvelles construites & mises en service par an, dont
la plus longue du monde (la ligne 10, 58 km avec ses 45 stations), le métro le
plus banal est devenu celui au réseau le plus long, avec un total de 442 km,
dépassant de 17 petits km seulement celui de Shanghaï. Il doit se terminer en
2017 et totalisera alors 561 km.
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