Suite des merveilleux voyages de Lee le sinologue aux semelles de vent ! Cette fois ce sont des notes qui datent de l'année dernière : voyage au Yunnan (云南), le Sud-Ouest montagneux & mystérieux, le pays des confins !
Le secret de la cuisine du Yunnan ne se
trouve pas dans la soupe. Ni d’ailleurs dans les ingrédients principaux,
poulet, porc, poisson, légumes que l’on trouve partout ailleurs en Chine. Tout
cela serait banal sans l’extraordinaire apport de la botanique tropicale dont
je vous parlais tantôt. C’est le nombre et la diversité des épices qui fait la
richesse des saveurs du Yunnan.
Diversité, modération et subtilité :
coincés entre le Sichuan et la Thaïlande, les Yunnanais dissimulent poliment
leur mépris pour la manie de leurs voisins qui submergent invariablement leurs
plats d’un napalm ultra-concentré au piment rouge. Pour ces plats que l'agent
orange uniformise en goût et en couleur. Pour ces plats "on pleure
deux fois" qui éradiquent le goût des ingrédients et réservent le plaisir
de la table aux masochistes. Ici, on sait doser. Herbes, condiments, essences,
marinades, sont les pixels à l’aide desquels le cuisinier yunnanais ciselle
avec patience et dextérité, pour chaque plat, une fresque gustative en 3D.
Amertume soigneusement dosée, petite pointe d’acidité, une brûlure pimentée
fondant gentiment sur la langue et se dissolvant docilement avec l’entrée en
scène du riz. La viande et les légumes s’effacent devant l’expressive
juxtaposition des goûts et des couleurs.
A chaque plat c’est la surprise : un
film à grand suspense qui se projette sur votre palais.
Histoire de vous mettre en appétit, je vous livre
quelques-uns des blockbusters les plus courus de la région, avant de
vous asséner le scoop culinaire caché au Yunnan (mais ce sera pour la prochaine
fois).
La poule au pot de Lijiang (丽江气锅鸡) : poulet-patates cuit à l’étouffée dans un pot de terre glaise. Là
encore ce ne sont pas les ingrédients de base qui sont extraordinaires, mais
bien le savant agencement des herbes aromatiques qui fait toute la différence.
Il est plus ou moins réussi selon les établissements, chaque chef se piquant
d’une interprétation personnelle de la partition.
Risette de la nana (菠萝饭 – aussi appelé risotto à l’ananas) : cette recette nous
vient de la minorité Dai, du sud du Yunnan. Voyez comme la nature est bien
faite : c’est justement une des grandes régions rizicoles, où prolifèrent
les ananas. La présentation est sympathique, un demi-ananas évidé, rempli de
riz sauté avec des petits lardons et dés d’ananas.
Rushan (乳扇), ou
fromage à base de petit lait, frit. Un goût un peu aigrelet, inattendu la
première fois, mais on s’habitue très bien. Vous avez remarqué ? Aimer ou
ne pas aimer un plat, c’est en fait le connaître ou pas. On aime les goûts
auxquels on s’attend, on est rebuté par les goûts qui vous surprennent.
Le secret d’une exploration réussie est donc de regoûter. Eh oui, désolé
les enfants : avant, la règle était « on goûte avant de dire qu’on
n’aime pas ».
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