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Quadrature du cercle: mettre les protéines à la portée de toutes les bourses. Garantir la
croissance des enfants, la force de travail des adultes et la sveltesse des
vieux. Mettre au point des recettes adaptées à tous les
climats et à toutes les latitudes.
Après 2200 ans d’essais
audacieux et d’erreurs dramatiques, on y est presque.
Le secret de la réussite ? Le tofu (dans la langue de Mao Zedong, c'est 豆腐, « fèves pourries » en translation
automatisée !). Vous savez, cette masse d’un gris jaunâtre sans goût ni couleur
bien définis, molle, flasque, humide, spongieuse. Figurez-vous qu’on attribue
son invention à un certain Liu An, en 164 av.JC. Selon la légende, Liu An,
conseiller à la cour du roi Wu Han (le roi-poëte, encore un, décidément) de la
dynastie des Hans, cherchait un moyen de nourrir sa vieille mère qui venait de
perdre sa dernière dent. Fatiguée de son régime à base de soupe de riz, elle
cassait littéralement les bonbons de son rejeton qui avait pourtant bien
d’autres chats à fouetter. Mais bon, vous savez ce que c’est, dans la Chine
confucéenne : les parents, c’est sacré. Leur contentement passe avant les
rébarbatives affaires de l’Etat.
Cédant
aux mélopées de sa maman, Liu An prit un congé sabbatique et se mit au travail.
Le cahier des charges, d’abord : on cherche un produit qui remplacera la
viande. Qui en éliminera les inconvénients. Qui ne soit pas cher. Qui ne soit
pas trop compliqué. Des protéines en pagaille, pas de cholestérol, une texture
molle et souple, du calcium, du fer, des acides aminés. Je vous passe les
affres, les nuits blanches, les cauchemars et les sueurs froides du malheureux
Liu An, ses nombreux essais, ses innombrables déconvenues. Il maigrissait à vue
d’œil, ses joues se creusaient, des cernes violacées apparaissaient sous ses
yeux. Il paraissait, après seulement une année de recherches, plus vieux déjà
que sa propre mère. Celle-ci, nourrie au petit lait et à la soupe de riz,
donnait des signes d’impatience.
Et
puis un jour, finalement ce fut l’illumination. Des fèves de soja !
Pressées pour en extraire le substantifique lait ! Caillé pour
solidifier ! Pressé pour en retirer l’eau excédentaire ! La voilà
enfin, la masse nourrissante, diététique, bon marché, soumise & réceptive à
toute créativité culinaire ! Une sorte de fromage blanc, finalement,
d’origine végétale.
A
partir de là, l’imagination des cuistots s’est déchaînée sous toutes les
latitudes. On a exploré toutes les variantes possibles : cuit, frit,
durci, mariné, épicé, salé, sucré, fermenté.
Ajouté
dans un plat de légumes ou au contraire servant de support à sauces,
condiments, accompagnements. En 2200 ans, croyez-moi, on a tout essayé. Il y en
a de toutes les couleurs et pour tous les goûts. Voir photos, d'ailleurs.
Comment
ça, c’est pas bon ? Comment ça c’est pas appétissant ? Je vous cite
les mots mêmes du chef franco-américain Anthony Bourdain, qui raconte sa découverte
des merveilles culinaires pékinoises : « Le lendemain j’ai subi
une autre torture grandiose et douloureuse chez Chen Ma Po Dou Fu (陈麻婆豆腐) c’est-à-dire en gros ‘Le tofu pestiféré
de grand-mère Chen’) qui ressemble tout à fait à ce que suggère son nom. En
dépit des mises en garde de mon ami David (…), je n’ai pas pu résister :
c’est tout simplement trop bon. Mon palais ne sera plus jamais le même – à
supposer qu’il n’ait pas été irrémédiablement brûlé pendant le repas. » (Nasty
Bits, autobiographie d’un cuistot).
Et
la soupe qui pue, vous vous rappelez ? Et le tofu bleuté du Yunnan ? Et le
tofu ‘Lao Beijing’ qui rappelle par sa texture, son goût et surtout son odeur,
le Munster bien de chez nous ? Les variations sont infinies. Et surtout, c’est
du bio ! Pas de colorants artificiels ni de conservateurs toxiques !
Pas de glutamate, pas d’aspartame !
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