dimanche 16 mars 2014

Sur la route de Shangri-La : le scoop culinaire !

Suite des merveilleux voyages de Lee le sinologue aux semelles de vent ! Cette fois ce sont des notes qui datent de l'année dernière : voyage au Yunnan (云南), le Sud-Ouest montagneux & mystérieux, le pays des confins !

Casse-tête chinois: comment nourrir tout le monde en évitant la catastrophe écologique ? Au vu des résultats historiques mitigés, on prend la mesure de la difficulté.

Quadrature du cercle: mettre les protéines à la portée de toutes les bourses. Garantir la croissance des enfants, la force de travail des adultes et la sveltesse des vieux. Mettre au point des recettes adaptées à tous les climats et à toutes les latitudes. 

Après 2200 ans d’essais audacieux et d’erreurs dramatiques, on y est presque.

Le secret de la réussite ? Le tofu (dans la langue de Mao Zedong, c'est 豆腐, « fèves pourries » en translation automatisée !). Vous savez, cette masse d’un gris jaunâtre sans goût ni couleur bien définis, molle, flasque, humide, spongieuse. Figurez-vous qu’on attribue son invention à un certain Liu An, en 164 av.JC. Selon la légende, Liu An, conseiller à la cour du roi Wu Han (le roi-poëte, encore un, décidément) de la dynastie des Hans, cherchait un moyen de nourrir sa vieille mère qui venait de perdre sa dernière dent. Fatiguée de son régime à base de soupe de riz, elle cassait littéralement les bonbons de son rejeton qui avait pourtant bien d’autres chats à fouetter. Mais bon, vous savez ce que c’est, dans la Chine confucéenne : les parents, c’est sacré. Leur contentement passe avant les rébarbatives affaires de l’Etat.

Cédant aux mélopées de sa maman, Liu An prit un congé sabbatique et se mit au travail. Le cahier des charges, d’abord : on cherche un produit qui remplacera la viande. Qui en éliminera les inconvénients. Qui ne soit pas cher. Qui ne soit pas trop compliqué. Des protéines en pagaille, pas de cholestérol, une texture molle et souple, du calcium, du fer, des acides aminés. Je vous passe les affres, les nuits blanches, les cauchemars et les sueurs froides du malheureux Liu An, ses nombreux essais, ses innombrables déconvenues. Il maigrissait à vue d’œil, ses joues se creusaient, des cernes violacées apparaissaient sous ses yeux. Il paraissait, après seulement une année de recherches, plus vieux déjà que sa propre mère. Celle-ci, nourrie au petit lait et à la soupe de riz, donnait des signes d’impatience.

Et puis un jour, finalement ce fut l’illumination. Des fèves de soja ! Pressées pour en extraire le substantifique lait ! Caillé pour solidifier ! Pressé pour en retirer l’eau excédentaire ! La voilà enfin, la masse nourrissante, diététique, bon marché, soumise & réceptive à toute créativité  culinaire ! Une sorte de fromage blanc, finalement, d’origine végétale.
A partir de là, l’imagination des cuistots s’est déchaînée sous toutes les latitudes. On a exploré toutes les variantes possibles : cuit, frit, durci, mariné, épicé, salé, sucré, fermenté.
Ajouté dans un plat de légumes ou au contraire servant de support à sauces, condiments, accompagnements. En 2200 ans, croyez-moi, on a tout essayé. Il y en a de toutes les couleurs et pour tous les goûts. Voir photos, d'ailleurs.



Comment ça, c’est pas bon ? Comment ça c’est pas appétissant ? Je vous cite les mots mêmes du chef franco-américain Anthony Bourdain, qui raconte sa découverte des merveilles culinaires pékinoises : « Le lendemain j’ai subi une autre torture grandiose et douloureuse chez Chen Ma Po Dou Fu (陈麻婆豆腐) c’est-à-dire en gros ‘Le tofu pestiféré de grand-mère Chen’) qui ressemble tout à fait à ce que suggère son nom. En dépit des mises en garde de mon ami David (…), je n’ai pas pu résister : c’est tout simplement trop bon. Mon palais ne sera plus jamais le même – à supposer qu’il n’ait pas été irrémédiablement brûlé pendant le repas. » (Nasty Bits, autobiographie d’un cuistot).

Et la soupe qui pue, vous vous rappelez ? Et le tofu bleuté du Yunnan ? Et le tofu ‘Lao Beijing’ qui rappelle par sa texture, son goût et surtout son odeur, le Munster bien de chez nous ? Les variations sont infinies. Et surtout, c’est du bio ! Pas de colorants artificiels ni de conservateurs toxiques ! Pas de glutamate, pas d’aspartame !

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