Il est toujours un peu présomptueux de voyager en se
disant « je vais aller comprendre une culture étrangère » ou alors
carrément « une culture étrangère ET ancienne ». La culture, c’est ce
que vous avez absorbé depuis tout petit, les matières minérales, les pesticides
de synthèse et les métaux lourds du terrain dans lequel plongent vos racines,
qui ont lentement, jour après jour, depuis l’enfance, imbibé et façonné vos
cellules. Bien sûr, ce n’est pas en flânant le nez au vent dans les vieilles ruelles
qu’on devient un natif du coin. Mais bon, rien n’interdit de faire quelques
recherches sur internet, d’épier les conversations entre touristes et locaux,
et de compléter un peu les interstices par la déduction et l’imagination. Ce
que je m’empresse de faire pour vous.
Ici à Lijiang (丽江, « belle rivière »), on se trouve au cœur du
pays Naxi (纳西 « don de l’Ouest », prononcer xi comme si, la langue bien écrasée au plafond du palais) et on trouve
partout des exemples de la culture appelée 东巴 (dongba – refuge d’Orient) : musique
traditionnelle, costumes bariolés, artisanat à base de bambou, de bois, de
corne, de fibres, mais surtout graffiti.
Admirez cette drôle d’écriture, faite de 1400 pictogrammes très évocateurs.
Insectes, têtes de souris, feuilles, vaguelettes : on a l’impression qu’on
arriverait sans trop de mal à la déchiffrer, tellement les dessins semblent
transparents, non ?
En parlant des multiples ethnies de la région, je vous
disais « surtout les Naxi »… ce n’est pas par son nombre (pas plus de
250 000), mais plutôt par sa radicale originalité que ce peuple défraie de
longue date la chronique au Yunnan et au-delà. Marco Polo en a parlé dès le
XIIIè siècle. Marco, intarissable baratineur faisant des moulinets de ses
mains, à l’italienne (rappelez-moi de vous faire sa fiche biographique un de
ces quatre), est probablement l’auteur de la légende mondialisée des Naxi,
société utopiste, anarchiste, phalanstère matriarcal bannissant la propriété,
et donc l’asservissement, le mariage, et donc la jalousie. Joseph Rock, qui
avait recruté pour ses recherches botaniques des guides et des porteurs naxi,
s’est retrouvé tout naturellement à apprendre leur langue et à rêver de
découvrir leur organisation sociale.
Hélas ! Les sociétés utopiques ont ça de commun qu’elles ne survivent que dans les régions les plus reculées, bien isolées à l’abri de la contamination par le monde réel. A-t-il réellement existé, le « Royaume des femmes » ? Il tient une grande place dans les récits de Rock (vous savez, l’aventurier botaniste), qui s’est sérieusement pris au jeu, lançant sa lourde caravane d’explorateur à la recherche de la reine du royaume perdu dont parlaient les explorateurs et les aventuriers mais que nul n’avait jamais vu. (à suivre)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire