Quelle différence, finalement, entre
les manifs au nom du droit d’expression réprimées et les manifs à caractère
social, réprimées de plus en plus durement elles aussi en Chine ?
Il y a une certaine contradiction à
protester, comme on le fait en Europe, l’écume aux lèvres, contre la répression
politique en Chine, si on ne dit jamais rien ou presque sur les conditions de
travail industriel, qui font bien plus de victimes. On s’enflamme pour Ai
Weiwei, mais on se fiche comme d’une guigne de Liu Gaoxing...
C’est que les premiers (les Chinois assoiffés
de libertés politiques) sont nos frères tandis que les seconds (potentiellement les
mêmes) sont nos esclaves.
Alors on est citoyen et on se sent
solidaire des chinois (souvent riches et célèbres) qui veulent s’exprimer
politiquement... mais on est encore plus consommateur et on se réjouit
finalement de la condition misérable des ouvriers d’usine qui nous vaut des
babioles bon marché.
L’ONG China Labor Watch de New York a publié un énième rapport sur les conditions de travail dans une usine d’un sous-traitant chinois d’Apple, recensant une « vingtaine de violations » au droit du travail.
« Les bas salaires, les longues journées de travail, les heures non payées, les mauvaises conditions de sécurité et les conditions de vie misérables persistent », affirme l’organisation suite à une enquête clandestine dans une usine à Shanghai. Apple est bien sûr toujours au centre de la controverse parce que c’est une marque emblématique et qu’elle réalise des marges délirantes. Mais ce n’est évidemment pas le seul coupable, loin de là : textile, jouets, etc tous les secteurs fonctionnent pareil. Suicides, invalidités, maladies professionnelles, etc sont le prix des colifichets dont les consommateurs (pas qu’occidentaux) sont si friands.
En Chine comme en Occident, les
inégalités deviennent insupportables, rejoignent les maxima historiques (nous
dit Piketty), obligeant les dirigeants (qui n’ont pas du tout envie de les
réduire) à recourir à des mesures de surveillance et de répression inédites.
Alors prolétaires chinois ou
européens, même combat ?
Marx avait raison de dire
« prolétaires de tous les pays ». C’est bien là qu’est le nœud du
problème : l’exploitation mondialisée du prolétariat. Mais à l’heure de
l’internet (où une lutte des classes concertée devient théoriquement possible)
il devient évident que ça ne pourra jamais marcher : les prolétaires ne sont
pas et ne seront jamais solidaires. Comme le dit Erendira dans un commentaire percutant : « Un boycott d’Apple
je n'y crois pas une seconde même si les i phones étaient en chair humaine. »
Trop contents comme ceux de l’Occident, s’il y en a de plus malheureux qu’eux
pour leur fabriquer des iPhones. Plus
préoccupés de ne pas partager leur sort que de l’améliorer, les pauvres seront
toujours prêts à s’entre-dévorer pour une aumône.
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